De la musique planante et harmonieuse, des lyrics brutes et sincères, un style marqué par “l’époque jeans Marithé” : telle est mon introduction du rappeur du 19ème, EDGE, signé chez Goldstein Records. Après le succès de ces 2 premiers projets solo, Interlude.1.9 et OFF, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec lui, dans le jardin de son QG, en détente.
Voici mon entretien avec cet artiste parisien talentueux que je t’invite à écouter, si ce n’est pas déjà fait !
Herbby : Quel est ton premier souvenir musical ?
EDGE : They Don’t Care About Us de Michael Jackson. J’avais environ 8 ans, j’étais chez ma grand-mère paternelle en Guadeloupe. C’était la fête et j’étais très agité petit… Le son est passé et je me suis mis à danser comme un ouf ! J’avais kiffé le clip, il était super dynamique, il se passait au Brésil si je me souviens bien. J’étais tellement ambiancé qu’un moment mon pied a cogné contre un truc et je me suis ouvert l’orteil ! (rires)
H : Dans le son Kylie Jenner de ton projet OFF, tu dis : “f*ck, j’veux plus d’un employeur”. Quand as-tu décidé de te lancer en tant que rappeur/artiste ? Quel a été le déclic ?
E : C’était en 2017 et c’est parti de 2 choses. La première est la perte d’un proche qui est décédé peu de temps après avoir atteint un de ses objectifs scolaires. Ça a été un moteur de ouf pour moi parce que je n’étais pas épanoui dans ce que je faisais à l’époque et je me suis dit qu’il ne fallait pas que je reste dans ce quotidien qui ne m’allait pas du tout. Le second déclic a été le fait d’être tout le temps en studio et d’être entouré d’artistes qui m’ont poussé à me lancer.
H : J’ai totalement validé tes 2 premiers projets solo, précisément leur musicalité variée, ta manière de poser et la sincérité de tes lyrics. Peux-tu nous expliquer le nom de ces EP d’introduction ?
E : Le premier était Interlude.1.9 et le second, OFF. Il faut savoir que j’ai fait Interlude.1.9 après avoir terminé OFF. Interlude.1.9 reprenait 3 freestyles que j’avais balancé sur Instagram. Je m’étais dis que ça serait bien de les rallonger, faire des morceaux et sortir un projet. Le “1.9” c’est pour le 19ème et l’EP est une interlude avant le projet OFF qui lui correspond au déclic mentionné précédemment. En gros, je mets en off tout ce qui me casse la tête et je me lance ! Paradoxalement, je parle beaucoup du fait d’avoir la tête pleine dans mes morceaux et le côté off fait aussi écho à ça.
H : Ta musique est particulièrement riche en sonorités et en références. On y trouve du cloud rap, de la trap, de la drill, du rap introspectif, de l’egotrip, des inspirations Afro-Caribéennes, des références sportives comme “Kobe”, “MJ” ou encore “Zidane”. Comment définirais-tu ton art ?
E : Elle est compliquée cette question… Musicalement, j’aime beaucoup de choses. J’ai été bercé par la musique Afro-Caribéenne via mes origines et mes darons. Mon frère m’a fait baigner dans la culture kainry des 90s et début des 2000s. En prenant de l’âge, je me suis mis au rap français. Mais en vrai, je kiffe la musique sans être attaché à un courant précis. Même dans mon processus de création, je ne veux pas m’enfermer dans un style. Dès qu’une sonorité me parle, j’ai envie d’aller au bout. Je définirais mon art par l’éclectisme. J’aime toucher à tout au niveau de la musique.
H : Tu viens du 19ème arrondissement de Paris et tu l’exprimes fièrement dans tes sons. Que représente le 19 pour toi ?
E : Toute ma vie ! C’est cliché ce que je vais dire mais pour moi, le 19ème est le meilleur quartier de Paris parce que c’est spacieux, il y a des espaces verts, des espaces culturels, les gens arrivent facilement à vivre ensemble, c’est cosmopolite… J’y ai fait mes premiers pas en tant qu’amateur de basket et c’est là que j’ai rencontré mes potes avec qui je fais du son aujourd’hui. J’estime que quand tu viens du 19ème, tu ne peux pas aimer un autre quartier. J’ai déménagé hors du 19ème il y a un an et j’ai l’seum, tu vois ! (rires) J’ai un amour inconditionnel pour cet arrondissement. Si demain j’ai des enfants, j’aimerais qu’ils grandissent dans cet univers polyvalent et multiculturel.
H : La notion de temps est omniprésente dans ta musique, comme un fil rouge qui débute dès l’intro de Interlude.1.9 avec 6’ du mat et qui suit sa route jusqu’à la fin de OFF avec 5h54. Quelle est ta perception du temps ?
E : J’ai beaucoup de mal avec le temps, ça me pèse. Tu vois défiler trop de choses. Ça te fait perdre des proches, ça te fait vieillir, ça te fait te questionner sur le monde, sur la vie… J’ai du mal à me situer dans le temps. C’est aussi pourquoi je suis souvent en retard… Le temps passe vite d’une année à l’autre, encore plus avec toutes les restrictions liées au Covid.
Ça me fait revenir à ta deuxième question sur mon déclic et quand j’ai commencé à faire du son. C’était en 2017, ça fait 4 piges mais quand j’y pense, j’ai même pas vu ces années passées. En plus de ça, je ne dors pas énormément donc je suis souvent décalé dans les journées. Le temps et moi, on n’est pas super potos…
H : J’ai kiffé la première phase du titre Compliqué (OFF) : “J’suis d’l’époque jeans Marithé”. Elle est brève mais en dit long aux gens de ta génération, dont je fais partie. Peux-tu nous parler de cette époque qui, selon moi, inspire ta musique et ton style ?
E : Jeans Marithé : quand je voulais être kainry, plus que les kainrys ! (rires) C’est cette période 2000 qui m’a le plus bercé musicalement. À l’époque, j’écoutais tout ce que mon grand frère écoutait et tous les artistes kainrys étaient en Marithé + François Girbaud. Forcément, je voulais faire pareil, comme dans le film Street Dancer ! (rires) T’allais à Châtelet, tout le monde allait chez Ruffneck pour péter un Marithé.
La musique des 2000s m’a inspiré de ouf parce que je kiffe le R&B et le rap, c’est pourquoi je kiffe chanter quand je fais des morceaux. D’où cette première phase dans Compliqué. Je suis d’une époque qui date pour certains, qui ne connaissent pas forcément M+FG. Ceux qui connaissent vont capter plus facilement ce que je propose musicalement car c’est assez varié.
H : Jazzy Bazz, Esso Luxueux et toi avez récemment sorti l’album Private Club. Comment est né ce projet collaboratif ?
E : Il est né d’une soirée 11 septembre 2020… On n’avait pas souvent l’occasion de se retrouver tous les 3 au studio et là, pour une fois, on y était ensemble. On ne savait pas trop quoi faire de la soirée parce que c’était la période confinement etc. On s’est motivés pour faire un morceau et c’est parti de là. Sachant que quand j’ai débuté le son en 2017, Jazzy Bazz et Esso me disaient déjà qu’ils kifferaient qu’on fasse un son ensemble à un moment donné voire un projet commun. Ça a mis du temps, il fallait que je m’affirme musicalement, que je sache ce que j’ai envie de faire et que je sois à l’aise donc 3 piges… (rires) Après, c’est parti de ce soir là au Grande Ville Studio. On était tous les 3, Jazzy Bazz a lancé la prod de VM The Don et on a fait le morceau Hier Encore, qui est le dernier son de Private Club.
On a vu qu’on avait réussi à faire ce premier morceau “facilement”, dans le sens où c’était fluide. Du coup, on a trouvé notre axe de travail et on s’est dit “autant aller au bout” et faire ce projet commun.
H : Dans ton son Vu d’en haut (OFF), tu affirmes que ta “tenue est toujours nickel”. Quelles sont tes pièces de prédilection pour être propre sur toi au quotidien ?
E : Un carré, un du-rag, une belle paire de sneakers et des vêtements dans lesquels je suis à l’aise !
H : Qui dit style dit forcément souliers… Quel est ton Top 3 sneakers : pour un prochain clip / pour “quitter la Terre et vider la ‘teille” / pour “un jus de maracudja sur les plages de Copacabana” ?
E : Pour un prochain clip, la AJ4 Retro “Pure Money”. La 4 est devenue ma paire préférée et je vais essayer de faire une collection de toutes les 4 que je trouve chaudes. Pour “quitter la Terre et vider la ‘teille”, une petite Air Force 1 Low “White/White” classique. Pour moi, la AF1 High c’est le seul truc des 2000s qui n’est plus possible, elle est un peu trop grosse. Pour “un jus de maracudja sur les plages de Copacabana”, rien : les pieds dans le sable !
H : Que peut-on attendre de ton prochain projet solo ? Quand pourra-t-on le découvrir ?
E : C’est un projet plus ouvert musicalement, j’ai testé de nouvelles choses tant au niveau des sonorités, des prods qu’au niveau de mon interprétation. Donc plus de couleurs différentes que je kiffe de base. Et il devrait sortir cet automne.