Chris Macari fait partie des artistes visuels qui ont marquĂ© l’Histoire de la musique française, notamment du Rap, grĂące Ă son catalogue de clips rĂ©alisĂ©s pour des rĂ©fĂ©rences comme Booba, Mac Tyer, Kalash, Ninho, Amel Bent, Kenji Girac et j’en passe ! Cet autodidacte d’origine martiniquaise mĂšne âune vie pleine dâimages” depuis son plus jeune Ăąge. Ă commencer par sa passion pour le dessin et la peinture, deux arts graphiques qui lui tiennent Ă cĆur et qui lui ont permis d’Ă©voluer vers le montage vidĂ©o, la rĂ©alisation et la production.
Aujourd’hui, Chris Macari est un label certifiĂ© de la Culture et c’est un honneur pour moi de partager cette interview exclusive, riche en passion et en images. Merci Ă MODES (17 rue François 1er, 75008 Paris) pour l’accueil !
Herbby : Quel est ton premier souvenir de Hip-Hop ?
Chris Macari : Ăa remonte au collĂšge, âun grandâ mâavait donnĂ© une cassette audio de lâalbum Death Certificate dâIce Cube ! Jâai dâautres souvenirs de lâĂ©poque dont lâĂ©mission H.I.P. H.O.P. de Sidney qui passait sur la chaĂźne RFO aux Antilles, mais câest vraiment le plus important de ma vie. Sinon, jâai pris une vraie gifle quand jâai dĂ©couvert le Wu-Tang qui est vite devenu mon groupe prĂ©fĂ©rĂ©.
H : Comment es-tu tombé amoureux de cette culture multidisciplinaire ?
CM : GrĂące aux images et aux sonoritĂ©s. Jâai commencĂ© Ă voir des clips de Rap quand jâĂ©tais adolescent et ça mâa matrixĂ© ! Il y avait dĂ©jĂ des clips de zouk, de Bob Marley etc qui passaient aux Antilles mais lĂ , câĂ©tait trop fort pour moi. Je voyais comme des super-hĂ©ros qui Ă©taient dans leur propre dĂ©lire et qui avaient la mĂȘme couleur de peau que moi. Je mâidentifiais Ă eux sans vouloir avoir leur vie ou ĂȘtre comme eux mais visuellement, ça me faisait rĂȘver.
H : Aujourdâhui, tu es connu et reconnu en tant que rĂ©alisateur mais une de tes premiĂšres passions est le dessin. Comment sâest faĂźte la transition entre ces deux arts graphiques ?
CM : DĂ©jĂ , je suis super content que tu me poses cette question parce quâil y a trĂšs peu de gens qui savent que je dessine, Ă la base. Ătant donnĂ© que je suis quelquâun de solitaire et introverti, le dessin me permettait de mâexprimer et mâĂ©vader. Jâai commencĂ© trĂšs tĂŽt. Ma mĂšre me raconte souvent que quand jâavais, 3, 4 ans, mon pĂšre mâa amenĂ© voir un exercice de pompiers et jâai dessinĂ© la scĂšne en mettant lâherbe qui bouge avec le vent des hĂ©lices de leur hĂ©licoptĂšre. Le fait que je puisse comprendre et reproduire ce dĂ©tail Ă cet Ăąge lâa marquĂ©. Ăa fait environ quatre ans que je nâai pas vraiment dessinĂ© ou peint mais je mây mets de temps en temps. Dâailleurs, jâai fait beaucoup de dessins des membres du Wu : Method Man, Inspectah DeckâŠ
Pour rĂ©pondre Ă ta question, quand je suis arrivĂ© Ă Paris, jâai fait une Ă©cole dâarts graphiques qui sâappelle ESAG Penninghen. Jâai optĂ© pour la section Arts Graphiques dans laquelle on dessinait beaucoup et on apprenait Ă travailler sur diffĂ©rents logiciels type After Effects. Quand jâai dĂ©couvert After Effects, jâĂ©tais en mode geek et, je ne sais pas pourquoi, jâai voulu apprendre Ă monter sur ce logiciel. Une fois que jâai commencĂ© Ă le maĂźtriser, je crĂ©ais des petites vidĂ©os, des petits montages. Je faisais aussi un peu de 3D et je me souviens que jâavais reproduit un stade de basketball avec une camĂ©ra qui entre dans le stade, passe au-dessus des gradins et jâavais ajoutĂ© un flash pour intĂ©grer des extraits dâune vidĂ©o YouTube de Vince Carter au NBA Slam Dunk Contest 2000 ! (rires)
H : Parle-nous un peu de tes dĂ©buts dans la rĂ©alisation : le dĂ©clic, tes inspirations, ta formation, tes premiers projetsâŠ
CM : Le dĂ©clic date de 2002 et câest prĂ©cisĂ©ment le clip Made You Look de Nas ! Niveau Rap US, je suis plus East Coast, New-York : Wu-Tang, Mobb Deep, Dipset etc. Nas est un artiste que jâai beaucoup Ă©coutĂ© et il avait fait son retour en 2001 avec lâalbum Stillmatic qui est trĂšs lourd. Un an aprĂšs, il est arrivĂ© avec Made You Look pour lâalbum Godâs Son et lĂ , câĂ©tait trop pour moi ! JâĂ©tais dĂ©jĂ dans lâHexagone Ă lâĂ©poque, jâai vu le clip Ă la tĂ©lĂ© et je me suis dit : âje veux pouvoir rĂ©aliser ce genre dâimagesâ.
Du coup, mes premiĂšres rĂ©alisations Ă©taient des clips pour mon cousin et des potes qui avaient un groupe ensemble. On est au dĂ©but des 2000s, jâallais acheter des CDs tous les Samedis Ă lâancien Virgin Megastore des Champs-ĂlysĂ©es, mon cousin venait les Ă©couter chez moi et des fois, je bossais sur des vidĂ©os donc il voyait les montages que je faisais. Câest parti comme ça puis en 2005-2006, jâai commencĂ© Ă rencontrer quelques artistes connus et moins connus, et en 2006-2007, ça a vraiment dĂ©collĂ© grĂące au clip 93 Tu Peux Pas Test pour Mac Tyer. AprĂšs, jâai enchaĂźnĂ© avec Despo Rutti, RimâK, MokobĂ©âŠ
H : Depuis, tu as marquĂ© lâhistoire du Hip-Hop français et plus, Ă travers tes innombrables clips pour des artistes comme Booba, Mac Tyer, Casey, Youssoupha, Amel Bent, des chanteuses et chanteurs de Zouk⊠Selon toi, quelles sont les clĂ©s de ta rĂ©ussite ?
CM : DĂ©jĂ , je fais ce que je fais avec passion. Jâai aimĂ© une musique, jâai dĂ©couvert le mouvement auquel est liĂ©e cette musique, jâai pris le temps dâĂ©tudier ce mouvement et je suis tombĂ© amoureux de ce mouvement quâest la culture Hip-Hop. AprĂšs, depuis petit jâaime lâimage notamment lâimage en mouvement, les dessins animĂ©s, les films et les clips. La passion fait que je perdure depuis tout ce temps et mon parcours nâest pas fini. Je fais des clips et surtout, jâai encore envie dâen faire !
H : Pourquoi Ă©tait-ce important pour toi de te diversifier et dâavoir la casquette de producteur, en plus de rĂ©alisateur ?
CM : Jâai toujours voulu ĂȘtre mon propre patron et jâai toujours voulu produire et rĂ©aliser mes propres oeuvres. Aujourdâhui, des producteurs font appel Ă moi pour des projets mais depuis mes dĂ©buts, jâai produit et rĂ©alisĂ© 75% de mes crĂ©ations.
H : Tu es dâorigine martiniquaise et tu y as vĂ©cu toute ta jeunesse, avant de venir faire tes Ă©tudes dans lâHexagone. Ă quelle(s) niveau(x) la Martinique, et plus globalement la CaraĂŻbe, tâinspirent dans ton travail et tes projets ?
CM : La Martinique et les Antilles reprĂ©sentent 75% de mes projets mais avant tout, c’est toute ma vie ! Il nây a pas une annĂ©e oĂč je nâai pas envie dâaller au Peyi pour me ressourcer et me remettre sur pied. Pourtant, quand je suis en Martinique, je suis trĂšs casanier et le seul petit plaisir que je me fais câest du jet ski. Jâaime bien rester dans mon cocon, profiter de ma famille et voir mes proches. Les couleurs, la lumiĂšre et la chaleur des Antilles mâont toujours inspirĂ© donc jâessaie de les retranscrire dans mes rĂ©alisations.
H : Niveau lifestyle, tu es notamment passionnĂ© de sneakers. DâoĂč vient cette passion ? Quel est ton modĂšle prĂ©fĂ©rĂ© ?
CM : La passion est nĂ©e quand jâai vu Michael Jordan dunker sur la tĂȘte des gens ! (rires) Je voulais Ă tout prix ses baskets mais ma mĂšre nâavait pas les moyens de me payer des chaussures Ă 1000 Francs Ă lâĂ©poque⊠Jâai eu la chance dâen avoir pour certains anniversaires, quand la famille cotisait. AprĂšs, jâai continuĂ© Ă voir des paires dans les clips donc je voulais les modĂšles de mes artistes prĂ©fĂ©rĂ©s pour leur ressembler. Du coup, quand je suis arrivĂ© dans lâHexagone, jâai commencĂ© Ă taffer et Ă gagner mes premiers sous donc âjâai rattrapĂ© le temps perduâ en achetant toutes les Jordan de lâĂ©poque Chicago Bulls, de la AJ1 Ă la 14 ! Niveau lifestyle, Mitchell & Ness et Nike sont mes marques prĂ©fĂ©rĂ©es et jâaime beaucoup les premiĂšres paires adidas de Kobe : la Crazy 1, la Crazy 97 du concours de dunk et la Crazy 8. Sinon, mon modĂšle de sneakers prĂ©fĂ©rĂ© est la LeBron 15. Jâai 8 coloris diffĂ©rents dont un exemplaire quâil a dĂ©dicacĂ© !
H : Parmi lâensemble de tes rĂ©alisations et productions, tous domaines confondus, quelle est lâoeuvre dont tu es le plus fier ? Pourquoi ?
CM : DĂ©jĂ , je suis fier dâavoir travaillĂ© avec Booba parce que câest un gros artiste, avec une Ă©thique de travail solide qui pousse Ă exceller. En ce qui concerne lâoeuvre dont je suis le plus fier, je dirais mon documentaire sur lâEmpire Zulu qui va sortir incessamment sous peu. Je suis allĂ© en Afrique du Sud et jâai dĂ©couvert un peuple ancestral magnifique qui a notamment inspirĂ© Black Panther.
H : En tant que OG et sponsor officiel des U13 de Villeparisis, quels conseils donnerais-tu Ă un jeune qui souhaite vivre de sa passion ?
CM : Je conseille Ă tous les jeunes de croire en eux et de faire ce quâils ont envie de faire. On a quâune vie et elle passe trĂšs vite. Jâen profite dâailleurs pour passer un Big Up Ă la famille du rĂ©alisateur Valentin Petit qui nous a quittĂ©s rĂ©cemment et qui Ă©tait le GOAT, pour moi. Il avait 10 ans de moins que moi mais il avait autant voire plus de skills que moi dans la vidĂ©o.
Il est vraiment important de croire en soi et de vivre sa vie au max : tu as envie de faire un court-mĂ©trage, fais ton court-mĂ©trage, tu as envie de dĂ©marcher des boĂźtes de production, dĂ©marche des boĂźtes de production etc. Dans la vie, il faut bouger, il faut toujours ĂȘtre dans lâaction.
H : Que peut-on attendre de Chris Macari dans les mois Ă venir ?
CM : La sortie du documentaire sur lâEmpire Zulu, dâautres projets clips et ensuite, on passera au plus grand format, si Dieu veut.