September 22, 2021

Guest List : Interview avec l'artiste DTONE

This article is part 6 of 15 in the series: Guest List

J’ai découvert l’artiste peintre DTONE en 2013, à l’occasion de son exposition “Street Machine” et j’ai d’emblée accroché à sa personne, son art et la réflexion qui se cache derrière chacune de ses œuvres. J’avais particulièrement apprécié ses toiles qui font référence à Do The Right Thing de Spike Lee, même si elles ne représentaient qu’une infime partie de l’expo…

DTONE et moi durant notre interview pour StockX – Crédit photo : @jeffryjunes sur Instagram

Aujourd’hui, il consacre une collection entière à ce classique de 1989 avec des affiches, des tee-shirts et des croquis, en édition limitée. J’en ai donc profité pour m’entretenir avec lui afin d’en savoir plus sur son parcours artistique, ses références culturelles et sa nouvelle collection “Do The Art Thing” !

Herbby : Comment es-tu arrivé à la peinture ? Parle-nous de tes débuts dans le milieu.

DTONE : À la base, je viens du dessin et je n’aimais pas du tout la peinture quand j’étais jeune parce que j’étais plutôt maladroit avec un pinceau… Ensuite, j’ai fait des études de dessins publicitaires puis j’ai découvert le tag et le graffiti. Par le biais du graffiti, je me suis mis à la peinture. Au fil de l’avancement de mes études, je dessinais sur des supports de plus en plus grands. Du coup, j’ai voulu posséder ce que je faisais sur mur et je suis passé à la toile, en 1992. C’est cette année que j’ai vraiment débuté ma carrière professionnelle en tant qu’artiste peintre.

 

Artiste DTONE logo

Logo DTONE

H : Qui étaient tes références quand tu t’es lancé ?

D : Mes références étaient multiples. J’avais des références en BD et en peinture classique, à savoir Michel-Ange, Caravage et Léonard de Vinci. J’allais souvent au Louvres quand j’étais petit et la grandeur des oeuvres de la Renaissance m’a toujours fait halluciner. Niveau graffiti, mes références françaises étaient BBC, les Chromes Angelz et pour les US, les 2 bouquins Subway Art et Spraycan Art.

H : Comment définis-tu ton art ?

D : Je peux en parler mais je ne peux pas vraiment le définir. C’est plus mon audience qui peut définir ce que je fais. Ce que je peux dire est que je suis dans une réflexion, pas un questionnement. Le questionnement engendre des questions alors que la réflexion se dirige vers une réponse : la forme questionne, le fond répond.

 

H : Tu travailles sur des supports divers et variés, allant de la toile au textile en passant par le papier ou encore des vélos ! Quel est ton support de prédilection ? Pourquoi ?

D : Mon support de prédilection est le papier car c’est par là que tout a commencé. Mon inspiration première est le vitrail car j’aime sublimer et transformer la transparence. Sinon, le tag et le graffiti m’ont fait être curieux des supports parce qu’avant, mon seul moyen d’expression était un stylo ou un feutre, et j’étais sur une surface plane. Le fait de tagger dans les RER, sur les portes… m’a permis de m’exprimer sur des surfaces différentes à l’aide d’une bombe, là où le stylo ne passe pas. De là est venu mon intérêt de peindre sur des supports divers.

Pour moi, l’Art est une philosophie de vie à l’image de notre personne. C’est une ouverture qui reflète ma personnalité curieuse donc le meilleur support sera celui de demain, que je ne connais pas encore.

artiste DTONE interview stockx avec Herbby

DTONE et moi durant notre interview pour StockX – Crédit photo : @jeffryjunes sur Instagram

H : J’ai découvert ton travail en 2013 avec ton expo “Street Machine”, à l’Espace Seven – Galerie Jacques De Vos, avec quelques toiles inspirées de Do The Right Thing de Spike Lee. Tu as eu la chance de voir ce film au cinéma à sa sortie originale en 1989. Comment l’as-tu accueilli ?

D : Le film m’a marqué et si je me souviens bien, c’est le troisième film dramatique que je voyais au cinéma car avant, j’allais plus voir des films de bagarre et d’aventure. Étant petit, on m’a amené voir Rue Cases-Nègres et Orfeu Negro. Quand Do The Right Thing est sorti, j’avais 18 ans et je suis allé le voir avec une amie et un pote, sans savoir à quoi m’attendre. Je suis arrivé au film grâce à la bande-annonce qui faisait Hip-Hop. Du coup, je suis resté dubitatif car le film est profond et il faut le comprendre. J’ai pris du temps avant de le digérer, après l’avoir vu plusieurs fois. Mais quand je suis sorti de la salle, je savais que je venais de voir un film culte. J’étais content de l’avoir vu car c’était un monument pour moi, quelque chose de particulier, mais je ne voyais pas encore la dimension que ça avait. Aujourd’hui, je vois clairement le côté visionnaire de Spike Lee et le fait que cette oeuvre est intemporelle.

artiste DTONE BED STUY

Affiche “Bed-Stuy Do Or Die” de la collection “Do The Art Thing” de DTONE

H : Quelle scène du film t’as le plus marqué ? Pourquoi ?

D : L’atmosphère et surtout la luminosité sont les éléments qui m’ont le plus marqué. Jusqu’à aujourd’hui, je dois réfléchir pour te citer des scènes alors que la luminosité et l’atmosphère, je m’en souviens comme si c’était hier. Le film est sorti au cinéma en été, comme dans l’histoire, et ce qui est marrant c’est que je suis rentré dans la salle, j’ai vu le film et quand je suis sorti, c’est comme si j’étais dans le film avant de rentrer et que j’y étais encore après être sorti. C’était la même époque, on vivait les mêmes choses et j’avais quasiment le même âge que les personnages principaux.

H : Le film vit au rythme de l’hymne Fight The Power de Public Enemy. Peux-tu nous parler de l’impact du Hip-Hop dans la société, précisément du groupe Public Enemy dans les 80s et 90s ?

D : J’ai découvert le Hip-Hop à Paris en 1983-84 avec l’émission H.I.P. H.O.P. de Sidney, j’ai kiffé pendant un an puis je suis parti vivre aux Antilles. Quand je suis revenu de Guadeloupe, il n’y avait plus de Rap à la radio. Fin 85, début 86, je captais quelques émissions radio avec un peu de Rap donc j’écoutais. À l’époque, j’allais souvent en Angleterre et j’avais acheté 2 cassettes chez un disquaire : Derek B et un album de Public Enemy. Mais c’était “par hasard” car à l’époque, il n’y avait rien, pas de clip, pas de site etc donc tu choisissais et découvrais tout en fonction de la cover des CDs.

En France, le Hip-Hop se développait à la radio dans les émissions spé, en soirées, dans les block parties. Ensuite, début 90, l’émission Rapline d’Olivier Cachin a débarqué à la télé et c’était le truc le plus fou ! C’est la première fois de ma vie que je voyais autant de clips. J’allais chez un pote et on passait notre temps à enregistrer des cassettes. Avant ça, chaque Dimanche midi, l’émission Rapido d’Antoine de Caunes passait un clip de Rap à la fin…

J’ai découvert PE en image avec le clip Fight The Power et c’est comme ça que j’ai connu Spike Lee. Ce clip était cataclysmique ! PE a contribué à l’émergence du Rap politisé et des artistes activistes. À l’époque, leur engagement a fortement résonné auprès des jeunes des diasporas afro-caribéennes et africaines de France, même si notre histoire n’est pas la même. En ce qui me concerne, j’ai appris avec eux et j’ai compris par une démarche personnelle.

H : Depuis fin juin, tu nous fais découvrir ta nouvelle collection “Do The Art Thing”, sur Instagram et Facebook. Pourquoi as-tu décidé de revisiter ce classique ?

D : À plusieurs reprises, j’ai fait des clins d’oeil à Spike Lee et sa filmographie. Cette fois-ci, j’avais l’intention de faire un visuel puis j’ai réfléchi et je me suis dit qu’il y avait de quoi creuser sur les scènes et les personnages de Do The Right Thing.

H : Quel est le concept de la collection ? Peux-tu nous la présenter ?

D :Do The Art Thing” est une introspection en temps réel de ma réflexion autour de l’oeuvre de Spike Lee. C’est comme un workshop à distance où je présente les pièces de la série de manière progressive. La collection s’apparente à un jeu des 7 familles composé de scènes et de personnages du film sur des toiles, des tee-shirts et des croquis, avec une approche différente selon le support.

H : Comment peut-on se la procurer ?

D : En m’envoyant un MP sur Instagram ou Facebook !

Tee-shirt “Bed-Stuy Do Or Die” de la collection “Do The Art Thing” de DTONE