Éditorial - Avril 17, 2023

Les raisons pour lesquelles Sally Sneakers est « Built Different »

Découvrez notre entretien constructif avec la collectionneuse de sneakers et créatrice de contenus irano-danoise. Elle nous parle de l’influence de sa mère dans sa vie, des origines de ses selfies miroirs et délivre un message pour la nouvelle génération de femmes dans l’univers de la sneaker.

Découvrez notre entretien constructif avec la collectionneuse de sneakers et créatrice de contenus irano-danoise. Elle nous parle de l’influence de sa mère dans sa vie, des origines de ses selfies miroirs et délivre un message pour la nouvelle génération de femmes dans l’univers de la sneaker.

Cet article fait partie 20 de 16 la série: Built Different

Paris est toujours une bonne idée. Et la Fashion Week de Paris est une idée encore meilleure. Rajoutez-y des balades dans les jolies rues de la ville, des soirées et des évènements dont tout le monde parle avec Sallys Sneakers (créatrice de contenus sneakers et militantes des droits des femmes) et vous obtenez la meilleure idée qu’il soit.

L’année dernière, l’équipe StockX a mis en avant des entretiens et des contenus de femmes créant leur propre voie à travers le sport, les sneakers, le gaming et la mode, dans une série intitulée « Built Different ». Nous sommes ravis de recommencer en 2023.

Cette année, la série démarre avec Sally Javardi, connue sous le nom de Sally Sneakers sur Instagram. Elle compte plus de 280 000 fidèles followers et possède un goût certain pour les sneakers et la mode. En plus de nous montrer ses coups de cœur hebdomadaires, Sally délivre des messages inspirants et en faveur de l’égalité des droits, surtout lorsqu’il s’agit du mouvement Woman Life Freedom, né dans son pays d’origine, l’Iran.

Nous nous sommes entretenus avec Sally sur l’une des premières journées de la Fashion Week de Paris, dans un appartement parisien bien trop vide avec vue sur la Tour Eiffel (il devrait figurer sur Airbnb). Elle est chaleureuse et souriante. Elle embrasse toute l’équipe StockX, ceux qu’elle connaît depuis des années comme ceux qu’elle rencontre pour la première fois. Elle est immédiatement sympa et prête à rire. Il ne faut pas longtemps pour avoir l’impression de faire partie de sa grande famille. Pas à cause des sneakers ou du sac que vous portez, mais grâce à votre gentillesse et à votre personnalité. Elle reconnaît avant tout sa propre valeur, c’est son super pouvoir. Tout le reste (la famille, les sneakers, la mode) n’est alors que la cerise sur la gâteau.

Entre nous passant du Drake et stylisant ses dernières trouvailles sneakers, Sally a pris le temps de nous parler de ce qui fait d’elle quelqu’un de « Built Different » (unique), de la façon dont sa mère a façonné son histoire et de l’importance des droits des femmes et de croire en soi.

Nous célébrons le Women’s History Month, et nous lançons notre campagne nommée « Built Different » pour les femmes présentes dans la culture actuelle, créant leur propre voie et ayant un impact sur les jeunes générations. Nous démarrons toutes nos interviews avec la même question, qu’est-ce que « Built Different » représente pour toi ?

Sally: Pour moi, « Built Different » c’est l’opportunité d’être vraiment moi et de m’affirmer en tant que femme dans la communauté sneaker.

Tu mentionnes régulièrement dans tes interviews le désir de t’affirmer. Tu parles aussi beaucoup de ta maman et de l’exemple qu’elle a montré dans ta famille. J’aimerais en savoir un peu plus sur la façon dont ta maman t’a montré la voie de l’émancipation, comment utiliser ton réseau et ta voix. Enfant, quel est l’exemple qu’elle t’a montré ?

Sally: Ma mère était une réfugiée iranienne. Elle a fui l’Iran avec mon père et ma grande sœur quand elle avait à peine vingt ans. Elle a traversé beaucoup d’épreuves. Le fait d’être une femme en Iran, devoir tout recommencer dans un pays complètement différent, apprendre une nouvelle langue, être aussi jeune et avoir un enfant, ma sœur. 

Je pense qu’elle a vraiment fait tous les sacrifices pour nous donner, à moi et à ma sœur, les opportunités que nous avons aujourd’hui. Elle est l’exemple type du sacrifice, principalement pour nous.

En tant que femme, elle n’a pas eu d’autre choix que de fuir l’Iran pour nous donner la chance de pouvoir nous exprimer, d’être nous-mêmes, de nous habiller comme on le souhaite et de devenir ce que nous sommes aujourd’hui.

Elle était si jeune, plus jeune que moi aujourd’hui. Je ne peux même pas imaginer tout ce qu’elle a traversé et à quel point ça a été difficile pour elle de nous construire une vie et de tout recommencer. Alors oui, ma mère et sûrement mon plus grand modèle pour tout ce que j’entreprends, parce qu’elle nous a toujours appris à être forte et à persévérer, mais aussi à utiliser toutes les opportunités pour faire entendre notre voix et être nous-mêmes.

"En fin de compte, à quel point est-ce amusant d'être comme tout le monde ? C'est mieux d'être construit différemment".

Y’a-t-il un moment en particulier dans ton enfance où elle t’a montré comme être forte et comment persévérer ?

Sally: Il y a eu quelques exemples. Au CP, j’étais dans une école danoise publique. Un jour, je suis rentrée en disant « Maman, la maîtresse ne me laisse pas répondre aux questions à l’école. » Sa réaction a été, « Quoi ? Pourquoi ? »

Le lendemain elle s’est rendu à l’école et a demandé, « Qu’est-ce qu’il se passe ? Sally m’a dit que vous ne la laissiez pas parler en classe. Et pourquoi la prenez-vous dans une autre pièce pour lui parler ? » La réponse a été, « Nous avons demandé aux enfants de dessiner trois cercles, le deuxième devait être plus grand que le premier et le troisième plus grand que le deuxième. » Apparemment, je n’avais pas compris et j’avais dessiné trois cercles identiques.

La maîtresse à montré mon dessin à ma mère et a dit, « voilà son dessin ? » Ma mère a demandé, « Et alors ? » et la maîtresse a continué, « Il est clair qu’il y a une barrière de la langue. » Ma mère a répondu, « Pourquoi l’avez-vous fait sortir de la classe sans m’en parler ? » Et la maîtresse a continué, « Nous pensions qu’elle avait besoin d’une aide supplémentaire. » Imaginez, je parlais parfaitement deux langues. J’étais bilingue, je parlais à la fois danois et farsi. Ça n’a jamais été un problème jusqu’à ce que je rentre à l’école et que les gens se rendent compte que je n’étais pas complètement danoise. Là ça a commencé à être un problème.

J’ai eu plusieurs expériences comme celle-ci, mais ma mère n’a jamais laissé tomber. À chaque fois qu’il y avait une réunion parents-profs je lui demandais, « Maman, tu peux enlever tes lunettes ? Tu es intimidante ». Et elle me répondait, « Non, je n’enlèverai pas mes lunettes. » Parce que je savais que, quelle que soit la réunion parents-profs, elle aurait quelque chose à dire sur le traitement injuste qui m’était parfois réservé.

Je retrouve tellement de ces histoires dans celle que tu es maintenant. Aujourd’hui, tu dis la vérité aux puissants et tu utilises ta plateforme. Quand as-tu réalisé la responsabilité que tu as ? Sans forcément parler de responsabilité, quand t’es-tu emparée de cette force que t’a transmise ta maman ? Quand t’es-tu dit, « Je peux utiliser ma voix et ma force, comme elle » ?

Sally: Je pense que je devais avoir 13 ou 14 ans. C’est à cet âge-là que j’ai commencé à être très directe. Si je sentais que j’étais traitée différemment ou mal, même à l’école, je disais ce que j’en pensais.

Avant d’entrer à l’université, j’ai décidé qu’en devenant psychologue je pourrai aider les enfants comme moi, c’est-à-dire ceux avec deux ou plusieurs cultures, des enfants de couleur, qui ont rencontré les mêmes difficultés que moi.

En y repensant, ma mère était toujours là et je pense sincèrement que je ne serai jamais devenue la personne que je suis aujourd’hui sans elle. Tous les enfants ne peuvent pas en dire autant. C’est pourquoi je pense que je peux être cette personne, je peux guider les autres enfants issus d’une double appartenance ethnique.

Et puis, j’ai commencé à m’intéresser aux sneakers. Par hasard, une amie est venue chez moi quand on était à l’université. J’étais sur le point d’écrire ma thèse en psychologie. J’avais 23 ans à l’époque et je savais vraiment où je voulais aller, je voulais travailler avec des enfants et les aider à trouver leur voie dans la vie.

Et puis cette amie est venue et m’a dit, « Sally, ta collection de sneakers est dingue. Pourquoi tu ne la partages pas sur Instagram ? »

Il faut garder à l’esprit que le Danemark est un petit pays et que tout le monde se connaît. Et je me disais que beaucoup de gens imaginent que les « influenceurs », les créateurs de contenus ou encore ceux qui s’occupent des réseaux sociaux appartiennent à un groupe en particulier. Et je ne voulais pas tout mélanger.

Alors je lui ai répondu, « Je sais ce que je veux faire. Est-ce que je pourrai encore trouver du travail si je me mets sur les réseaux sociaux ? » Elle m’a dit, « Il suffit de ne pas montrer ton visage. » C’est comme ça qu’on a commencé à prendre en photo ma collection et à la poster sur Instagram et ça a explosé.

"J'avais l'impression qu'il y avait un grand manque de représentation lorsqu'il s'agissait de femmes portant ces chaussures. C'était toujours des hommes, toujours des pieds d'hommes. Je me suis donc dit : "Laissez-moi donner aux gens, à la communauté, quelque chose qui leur manque".

Comment a démarré ta collection de sneakers ?

Sally: Je devais être au lycée quand j’ai commencé à m’intéresser à comment les gens s’habillent et à la mode. J’ai commencé avec la paire la plus ennuyeuse au monde, mais c’est un classique : les Air Force blanches.

Et, à partir de là je me suis dit, « Ok, comment faire pour trouver quelque chose de moins ennuyeux ? » Parce que quand je regardais les pieds des autres, on portait tous la même paire. J’ai pensé, « J’ai besoin de quelque chose avec une touche de couleur. » C’est comme ça que je me suis mise aux Air Max. Je n’avais aucune idée de comment s’appelaient les différents modèles, j’ai juste choisi une Air Max rose avec des lacets roses et je me suis dit, « Personne ne les a, il me les faut. »

Où en est ta collection aujourd’hui ? Combien de paires as-tu en tout ?

Sally: Pour être honnête, j’ai arrêté de compter. Mais je pense que je dois être autour des 350, 400 paires. Ce qui est pas mal.

Et c’est comme ça qu’a démarré Sally Sneakers. Comme tu l’as dit avant, ça a explosé, non ? Comment ça a pu prendre de cette façon ?

Sally: La première photo a fait 500 likes. Mon amie m’a dit, « J’ai un tableau Excel avec tous les hastags dont tu as besoin, tous les conseils de ce qu’il faut faire, et toutes les pages que tu dois taguer. » Et elle m’a aidé à faire les premiers posts.

Et en deux semaines peut-être j’avais 2 000 followers, parce que toutes ces pages que je taguais re-postais mes photos et c’est parti de là. J’avais tagué les pages NiceKicks, Hypebae et quelques pages de sneakers américaines.

Ce que j’ai trouvé le plus étrange quand j’ai commencé Sally Sneakers c’est que j’avais besoin de la communauté. Je me sentais en quelque sorte seule dans mon hobby ou dans mon style de vie. Quand je me suis lancée dans les sneakers pour la première fois, je suis allée sur Instagram, j’ai cherché une paire de chaussures et j’ai essayé de trouver quelqu’un qui les portait pour savoir si cette paire m’irait.

Et j’ai pensé qu’il y avait un grand manque de représentation des femmes portant ces chaussures. C’était toujours des hommes, toujours des pieds d’hommes. Je me suis dit, « Je vais donner aux gens, à la communauté, quelque chose qu’ils n’ont pas. » J’ai essayé de partager le contenu que j’aurais aimé voir en tant que femme, ce qui était très amusant. J’ai essayé de relever le tout en cachant mon visage, en portant des chaussettes de couleurs différentes, en faisant des bracelets de chevilles, tout ce que je pouvais faire. Parce que je n’étais pas connue, alors j’ai essayé de me démarquer.

C’est comme ça que tu as trouvé l’idée de la photo dans le miroir ?

Sally: C’est ça. Après un moment à ne faire que des photos de sneakers, j’étais un peu fatiguée de faire tout le temps la même chose. Six mois après, j’avais 50 000 followers et j’avais terminé mes études. J’ai commencé à vouloir parler plus de mode aussi, parce que les sneakers ne sont que des sneakers et rien d’autre si vous ne savez pas les assembler avec une tenue. 

Je me suis rendu compte que si je tenais mon téléphone en face de mon appareil photo tout en me tenant devant le miroir, je pourrais avoir toute ma tenue sans mon visage. J’ai acheté une étagère Ikea, j’ai posé un miroir en face et je me suis dit, « Ça fonctionne. Ça fonctionne vraiment. »

J’ai commencé à proposer de plus en plus ce genre de contenu. En utilisant le concept du « tout va ensemble », j’ai commencé à faire des tenues entières. Je tenais mon téléphone devant le miroir tout en cherchant le moyen d’intriguer les gens, comme montrer mon visage, mais sans tout dévoiler.

L’année dernière tu as décidé de montrer ton visage, lors de la Journée Internationale des Femmes, comme pour te présenter au monde entier. J’ai lu que tu avais dit devoir redéfinir qui tu es sur les réseaux sociaux.

Sally: Complètement.

Je voulais que les jeunes femmes, les filles, me voient et se disent : "Hé, c'est une femme iranienne. Au Danemark, elle réussit ce qu'elle entreprend. Elle a construit tout cela en gardant les pieds sur terre et en étant ce qu'elle est".

Comment en es-tu arrivée à cette décision ? À quoi a ressemblé ce processus de redéfinition pour toi ?

Sally: Je cherche toujours à en faire plus. Je ne suis jamais complètement satisfaite. Je veux constamment créer et aller de l’avant. J’ai voulu partager un peu plus sur qui j’étais. Et je me suis toujours promis que lorsque j’aurais assumé ce chemin je devrais choisir — est-ce que je veux être psychologue ou est-ce que je veux faire des sneakers — je sortirai et je montrerai au monde qui je suis. Et c’est ce que j’ai fait. J’ai pris ma décision, « Je crée ma propre marque. Je tente de montrer aux gens qui je suis en toute confiance. »

Est-ce que tu as eu des doutes ?

Sally:

J’étais effrayée. Parce que j’avais construit une marque forte, mais je me sentais en sécurité en tant que Sally Sneakers sans montrer mon visage. Et j’ai toujours étais plutôt discrète. Non pas que je n’aime pas parler avec les gens, mais j’ai mes limites.

J’ai trouvé très effrayant de devoir tout à coup partager plus sur moi-même. De décider de vouloir montrer mon visage à 250 000 personnes qui n’ont aucune idée de ce à quoi je ressemble, à part en essayant de me traquer sur Google. Je me suis dit, « En fait, est-ce que je suis intéressante ? »

Mais, quand j’ai enfin dévoilé mon identité, même si j’en tremblais, je me suis sentie soulagée. C’était un véritable soulagement de raconter enfin mon histoire. J’ai commencé en expliquant que je voulais être psychologue pour avoir de l’influence. Mais, ensuite j’ai découvert mon côté créatif, et j’ai décidé d’avoir de l’influence d’une autre manière. Mais c’est toujours ce que je suis.

Je voulais que les jeunes femmes, filles, me voient et disent, « C’est une femme iranienne. Elle vit au Danemark où elle s’accomplit. Elle a bâti tout ça en gardant les pieds sur terre et en restant elle-même. » Je pense que le message est bien passé. Mais après l’avoir fait, je me suis dit, « Et maintenant je fais quoi ? Qu’est-ce que je fais avec ça ? »

 

Ce que je trouve unique et vraiment cool chez toi et à propos de ton contenu c’est qu’on y retrouve tous les archétypes et tous les stéréotypes des femmes influenceuses ou des femmes dans l’univers de la sneaker.

Mais, tu restes fidèle à cet amour pour les sneakers. La sneaker est la finalité de tout. Je voudrais savoir comment parviens-tu à rester fidèle à cet amour des sneakers dans le monde en perpétuel changement de la mode ?

Sally: Je me suis toujours promis de ne jamais accepter une paire de sneakers d’une marque que je ne porte pas en dehors des réseaux sociaux. Et j’ai toujours, toujours, toujours était fidèle à ce principe. Et ce peu importe le salaire proposé ou qui me le propose. Je ne poste rien que je ne m’imagine pas porter dans le monde réel. J’aime être « Built Different ». J’aime repousser les limites et frapper aux portes quand il s’agit de mode et de sneakers par ce que je me dis, « Vous ne pouvez pas me dire que je ne peux pas porter ça. Pas en tant qu’individu, pas en tant que femme, pas en tant que qui que ce soit. Je décide de comment je veux m’habiller. »

Mais je centre toujours mes tenues autour des chaussures que je porte. C’est grâce aux sneakers que j’ai appris à m’exprimer complètement. Elles m’ont donné la confiance pour m’habiller comme je le veux, même si c’est parfois un peu fou, parce que je ne l’aurais jamais fait si ce n’était pas pour les chaussures. Je ne serais pas qui je suis si ce n’était pas pour les sneakers.

On grandit en tant que personne et on trouve de nouveaux moyens, de nouvelles directions que l’on veut emprunter, on découvre de nouveaux centres d’intérêt aussi. Alors je ne vais pas m’assoir et dire, « Je ne ferai jamais autre chose que des sneakers dans la vie. » Mais, pour moi (les sneakers) m’ont donné la confiance dont j’avais besoin pour être celle que je suis aujourd’hui.

Tu parles beaucoup de ta plateforme et de ton public comme d’une communauté. Qu’elle a été l’interaction la plus marquante ou l’impact le plus important au sein de ta communauté ? À quoi ressemblent ces moments ?

Sally: Quand les gens m’envoient des messages et me disent, « C’est grâce à toi que je fais ce que je fais aujourd’hui ». C’est dans ces moments-là que je sais que tout ce que je fais en vaut la peine et que j’ai pris la bonne décision.

L’autre jour, j’ai partagé le commentaire d’un mec sur un de mes posts qui disait que je devrais montrer une photo de moi enfant portant des sneakers, parce que sinon je n’étais pas une vraie sneakerhead ni quelqu’un qui s’intéresse vraiment aux sneakers.

Je l’ai posté dans ma story en espérant montrer qu’il n’y a pas de règles établies dans la culture sneaker. Que cet homme représente tout ce qui ne va pas dans l’univers de la sneaker, celui qui décide pour les autres, le, « Tu dois faire ça. Tu dois savoir ça. Tu dois porter ces sneakers pour être un OG ou pour être suffisamment bon pour être dans l’univers de la sneaker. » Il n’y a pas de règles.

Il faut simplement respecter la culture, être soi-même, être gentil avec les autres et porter ce que l’on veut. Je trouve ridicule que des gens pensent qu’il y a des règles. C’est n’est pas si sérieux.

Donc, je post cette story et une fille me dit, « Sally, s’il te plaît, ne l’écoute pas. Tu es géniale et c’est grâce à toi que je fais ce que je fais aujourd’hui. » Et elle ajoute, « En fait j’ai rédigé une étude universitaire sur toi et sur ta place dans la culture sneaker. »

Et elle me l’a envoyée hier. C’est fou, c’est tout un article à propos de moi. C’est comme une analyse de qui je suis et de tout ce que j’ai fait. Elle connaît mes designs Nike by You, elle connaît mon histoire en rapport avec l’Iran, elle a écrit des paragraphes sur les messages que je tente de faire passer à travers ma plateforme, et ce qui me démarque dans l’univers de la sneaker.

Et honnêtement, quand je le regarde j’ai un large sourire parce que, à ce jour, je n’arrive toujours pas à croire que j’ai cet effet-là sur les gens. Que quelqu’un puisse être à ce point intéressé par moi pour écrire un article entier racontant qui je suis et puisse s’intéresser à qui je suis dans la communauté sneaker.

Dans ces moments-là je me dis, « Ok, tu fais le bon choix, peu importe ceux qui détestent, peu importe les gens qui sont méchants, en particulier en tant que femme dans la communauté sneaker. » Tout ce que je fais, je le fais pour ma communauté, pour les Iraniens et pour toutes les jeunes filles, pour qu’ils puissent dire, « Elle n’a pas peur d’être elle-même. »

Pour aller un peu plus loin, je sais que tu t’es beaucoup exprimée sur le mouvement iranien Woman Freedom Life. Que représente pour toi le fait d’être une femme dans le monde des sneakers et de la mode qui utilise sa plateforme pour parler de ce qu’il se passe en ce moment en Iran ?

Sally: C’est une part tellement importante de mon identité, c’est une grande partie de ce que je suis devenue — mes origines perses et mon héritage perse — que j’ai toujours pensé qu’il était de ma responsabilité de montrer que je suis fière d’être iranienne.

Mais, en tant que femme, en particulier aujourd’hui, j’ai la liberté de pouvoir réellement m’exprimer, d’être qui je veux être. J’ai ce privilège que les femmes en Iran n’ont pas. Aucune femme là-bas ne peut être qui elle veut être et n’a la liberté que j’ai moi. C’est pourquoi c’est si important pour moi de faire de mon mieux pour toujours diffuser les informations et partager le message de Woman, Life, Freedom. Et d’essayer, au moins, de faire partie du changement. Je pense très fortement que les femmes iraniennes seront libres. Et qu’à la fin, je pourrai avoir un sentiment plus sain vis-à-vis de mes origines ethniques et de mon identité culturelle. Parce que si vous n’êtes pas complètement connecté à vos racines, vous aurez toujours l’impression qu’il vous manque une part de vous.

J’ai lu que tu avais exprimé l’envie de visiter, de voir ton pays d’origine.

Sally: D’embrasser ma famille, oui.

Parle-nous un peu plus de cette envie.

Sally: Imaginez grandir dans ce monde parallèle et qu’on vous raconte des histoires sur ce paradis où ont grandi vos parents. Bien sûr, ça n’avait rien d’un paradis, ce n’était pas parfait, aucun pays n’est parfait. Il a ses propres problèmes, évidemment. Et, à l’époque, mes parents avaient leurs propres difficultés, probablement plus que moi aujourd’hui.

Mais, quand ma mère me raconte ses histoires d’enfant et me dit à quel point c’était spécial, de marcher dans les rues de Téhéran, d’avoir quatre saisons dans un pays, toutes ces histoires. Et même mon père me disait, « Mon rêve absolu c’est de passer le reste de ma vie, du moins les années qu’il me reste, dans mon pays d’origine. Là où j’ai passé ma jeunesse, là où j’ai grandi, là où ma mère est enterrée, là où mon frère est enterré. » C’est leur plus grand souhait.

À ce moment-là on ne parle même plus de moi. J’ai envie de pouvoir leur offrir cette opportunité, surtout à mon père. Je voudrais vraiment, vraiment qu’il puisse y retourner. Et comme je n’y suis jamais allée, que je ne m’en rappelle pas et que je n’attends que ça, j’ai vraiment envie d’y aller. J’ai l’impression que je me sentirai plus entière. Mais comme je n’en ai pas fait l’expérience, je ne sais pas réellement à côté de quoi je passe.

C’est évidemment difficile de jongler entre les sneakers et le mouvement en Iran, mais j’essaye de faire de mon mieux pour combiner les deux de la meilleure manière possible. De toujours rester fidèle à qui je suis et de partager les messages qui me tiennent à cœur.

Quel message souhaites-tu faire passer aux gens qui te découvrent à travers cette interview ? Et quelle est la plus grande leçon que tu souhaites transmettre aux gens à propos du mouvement Woman, Life, Freedom et comment ils peuvent y prendre part ?

Sally:

Éduquez-vous, partagez vos connaissances. C’est très difficile de réussir à faire des dons à l’Iran. Bien sûr, il y en a quelques-uns de fiables, mais à cause du gouvernement en place, il est très difficile d’apporter une aide financière.

Mon plus grand conseil est de signer des pétitions, d’informer les gens et de faire de votre mieux pour vous renseigner. Et si vous voyez une manifestation, prenez-y part. Les Iraniens sont des gens adorables, ouverts d’esprits et nous, moi-même et ma communauté, serons très heureux de voir que vous nous soutenez.

À toutes les jeunes filles, les femmes et toutes les personnes qui lisent cet article, qui respectent ce que je suis en train de dire et qui pensent que ce que je fais est bien, sachez que vous êtes capables d’en faire tout autant. Vous pouvez toujours rester fidèles à vous-même.

N’arrêtez jamais d’être gentil envers les autres, parce que pour moi, je dois tout à ma communauté. Même lorsque je fais des posts sur l’Iran ou sur d’autres sujets qui n’ont rien à voir avec les sneakers, leur soutien est tout pour moi.

Ça semble très cliché quand je dis ça, mais rien n’est impossible. Si vous arrivez à vous en convaincre, alors ce sera possible. Et j’en suis la preuve. Comment ai-je pu passer de simple étudiante à ce que je suis maintenant ? Et être aujourd’hui à Paris avec StockX ?

Je me rappelle qu’au début je me disais, « Mon but est de pouvoir travailler avec StockX », de pouvoir établir cette relation, entre autres choses. C’était une véritable étape pour moi.

Vraiment ?

Sally: Ça l’était vraiment. Oui.

Pourquoi StockX a-t-il tellement d’importance pour toi d’un point de vue du partenariat ? Et comme cela aide ta plateforme et ta marque ?

Sally: Je me rappelle dire à mon amie, « Imagine si je pouvais travailler avec StockX, parce que Dieu sait combien d’argent j’ai dépensé en revente à cause de mes petits pieds. »

StockX a beaucoup d’importance pour moi. À une époque je me disais, « Je suis une femme et je suis créatrice de contenu. Je fais des sneakers. C’est la collaboration idéale. » Je vous ai contacté et j’avais tellement peur de ne pas avoir de réponse, mais je me disais, « Tu sais quoi, je tente. » Et au final, c’est un partenariat qui dure depuis trois ans avec StockX.

Ça montre une fois de plus que tout est possible. Si vous m’aviez demandé cinq ans plus tôt ce que je ferais aujourd’hui, jamais je n’aurais pensé être à Paris, en train de raconter mon histoire à StockX, partageant mes racines, ma passion pour les sneakers et sur le fait d’être une femme irano-danoise. Comment cela est-il possible ? Je me serais probablement évanouie si vous étiez venus me voir avec une machine à remonter le temps pour me dire, « Hey Sal, tu sais ce qu’il va se passer ? » Je n’y aurais jamais cru.

C’est quoi la suite ? Y a-t-il des choses en préparation dont tu veux nous parler ? Ou des plans sur la création de ta marque et sur le fait de franchir cette étape et de devenir créatrice ?

Sally: La prochaine étape c’est vraiment le lancement de ma marque. Je crée une marque qui s’inspire de mon héritage culturel, de mes racines et de ma dualité en tant que femme irano-danoise.

Je ne veux pas trop en révéler parce que je veux que les gens soient époustouflés par ce que je vais présenter. Je souhaite créer ma propre sneaker qui porte le poids de mon histoire et qui transmet ce sentiment de puissance à la nouvelle génération. Et même à ma génération et à celles plus anciennes. Ma plus grande ambition et de pouvoir inspirer les gens. La plus grosse étape et ce qui me fera penser que j’ai réussi ce sera d’avoir ma propre collaboration et d’être capable de raconter mon histoire.

Est-ce que tu te rappelles de la question en début d’interview ? Quelle était la première question ?

Sally: Bien sûr. Que signifie « Built Different » ?

Je vais te la poser encore une fois. Maintenant que l’on a eu cette conversation, que tu nous as raconté ton histoire et tout ce qui te motive, t’inspire et le message que tu souhaites faire passer à la jeune génération, qu’est-ce que « Built Different » signifie pour toi ?

Sally: « Built Different » c’est la capacité à être celui ou celle que vous voulez sans être limité par les stéréotypes des autres. Acceptez d’être différent, acceptez d’être vous et n’abandonnez jamais pour devenir la personne que vous souhaitez.

Pour moi, « Built Different » signifie qu’être différent n’est pas une mauvaise chose. La société nous enseigne qu’il faut que l’on soit tous les mêmes, que l’on doit tous agir d’une certaine manière pour être acceptés, mais à la fin de la journée, êtes-vous heureux d’être comme tout le monde ? Il vaut mieux être « Built Different ».