Marseille. Le Vieux-Port, la Canebière, la Bonne Mère, le soleil et la mer… et la street culture. Si on a pour habitude de désigner la capitale Paris, la cité phocéenne en est l’autre grand berceau français. D’IAM à Jul elle a toujours vu éclore de grands talents du rap, étendards d’une scène riche en expressions créatives, à qui il a cependant longtemps manqué un fief. Jusqu’à la bien nommée Maison Mère. Cette friperie fondée voilà presque quatre ans est plus qu’une boutique, sinon un projet mouvant initié par l’organisation de musée, jusqu’à se muer aujourd’hui en marque à part entière. Une histoire sinueuse et belle, comme on sait si bien en raconter à Marseille. Et qui, à travers son duo d’instigateurs mordus de Nike vintage, pourrait même se substituer aux tutoriels sur le comment vivre de sa passion.
Maison Mère, la rencontre de passionnés, et d’abord un musée
Leur passion, les deux fondateurs de Maison Mère ont toujours voulu la restituer au plus grand nombre. Ils se rencontrent sur des salons dédiés aux kicks, forgeant une amitié sur leur amour commun pour le Swoosh. Avec le renfort d’un tiers, ils se découvrent par la même des collections de sneakers parfaitement complémentaires s’étalant sur quatre décennies, qui les encouragent à s’unir pour les exposer dans une rétrospective. En 2016, les compères tiennent donc un musée éphémère sur le Cours Julien à Marseille, pour une durée de six mois. Une expérience réussie qui va les pousser à plancher sur l’ouverture d’un espace permanent. « Avec ce projet en 2016 les choses avancent, et on réfléchit à un volet business en parallèle du culturel. De par notre intérêt pour les archives, les fripes, l’idée d’une boutique est venue naturellement », raconte l’un des créateurs, qui pointe également leur intégration au cercle très fermé de Nike OTC, groupe de collectionneurs établi au Japon, comme un autre accélérateur. « Notre première conférence sur place nous a permis de découvrir la fripe qualitative japonaise, ça nous a renforcé dans notre idée de créer une boutique basée sur la street culture ». C’est ainsi que l’entité Maison Mère voit le jour, en septembre 2017, au 25 Rue de la République dans le centre de Marseille.
Maison Mère, le nom, vient de l’ambition des fondateurs de « créer un lieu de vie et d’échanges plus qu’un shop, un lieu où tout se centralise, et qui avec le temps deviendrait une institution ». Quant à l’implantation à Marseille, il s’agissait pour eux d’une évidence. Parce que c’est leur ancrage, parce que la ville a ce riche passif avec la street culture qu’ils entendaient honorer par un site qui n’existait pas jusqu’alors. « Il y avait un manque énorme sur Marseille, synthétise l’un d’eux. Il y avait bien des friperies mais plutôt généralistes, rien de dédié à la street culture. Un projet comme le nôtre paraissait donc logique. L’idée était de faire un lieu effervescent avec notre expertise, celle de passionnés qui sans prétention, amèneraient un ADN culturel et des produits recherchés ». Par sa sélection pointue de sneakers et apparel sportswear vintage, chinée par le duo sans compter les heures, Maison Mère s’impose en effet immédiatement dans le panorama marseillais. Très vite, elle dépassera aussi sa fonction de boutique pour se faire connaître dans toute la France et au-delà, avec un développement créatif bien senti.
Tie and dye, customs et ligne universitaire
Été 2019, la tendance tie and dye est à son paroxysme. Parce que la technique « fait partie de l’ADN vintage » et qu’elle lui parlait, l’un des fondateurs de MM s’y essaye sur des lots de chaussettes et t-shirts Nike. Dans son jardin, « comme ça, sans prétention ». Mais avec une précision qui n’échappe pas à des médias comme Highsnobiety ou HYPEBEAST, lesquels partagent ses travaux. « Les commandes se sont multipliées, c’était un peu fou », se rappelle l’intéressé, doublement étonné par l’ampleur du succès pour la bonne raison que la création n’était « pas écrite dès le départ » du projet Maison Mère. « On ne se pose pas de question, c’est juste de la créativité, du feeling, des envies sur le moment », répètent ainsi les acolytes, qui arguent une évolution organique. La trajectoire se fait d’autant plus linéaire à la rentrée de cette même année 2019, alors que Maison Mère est approchée par le grand magasin parisien Le Bon Marché pour intégrer son exposition à venir ‘En Couleurs !’. « Face à une demande B to B, on est entré dans une nouvelle énergie. Le projet Maison Mère a atteint un niveau positif, puisqu’en trois ans il s’est passé beaucoup de choses, aujourd’hui on entend que Maison Mère est une référence à Marseille, alors on le traduit par un développement qui est logique. Et la logique, en étant dans textile, était de créer une collection ». Maison Mère la friperie devient Maison Mère, la marque.
Un espace dédié à la création, le Lab, est bientôt inauguré à l’arrière-boutique rue de la République, et tandis que la créativité se déploie bientôt sur le custom, aussi bien avec des paires de Converse que des vestes en jean aux empiècements Nike, MM travaille à sa première collection. Toujours en cohérence avec l’ADN sportswear vintage, celle-ci aura l’universitaire pour thématique et sera centrée sur les basiques du genre. Des sweats et hoodies colorés, relevés de brandings inspirés du baseball dans des prints ou broderies aux tissus chenille. « La direction au niveau des visuels a été vue avec notre ami Nicolas Charavet, graphiste de métier et directeur artistique chevronné, qui a une énorme culture du vintage », renseigne MM, qui pointe également un clin d’oeil à MDLR – pour ‘Mec De La Rue’ -, marque du rappeur local Bouga « que tous les artistes marseillais portaient à la fin des années 90 ». Entre esprit sport rétro et références street marseillaises, cette première collection molletonnée, particulièrement soignée dans les coupes et la fabrication estampillée made in Europe, vient d’atterrir online. Maison Mère enchaînera avec une capsule estivale, s’inscrivant donc dès à présent dans un schéma saisonnier. « Sans se mettre de barrières », là encore. Les fondateurs ne s’interdisent pas d’aller plus loin que leur terrain du sportswear, et se disent ouverts aux collaborations, eux qui viennent justement de s’en offrir une première avec le label Sad Hill de DJ Kheops. « On veut développer la marque, pourquoi pas la distribuer dans d’autres points de vente, continuer avec Le Bon Marché pendant des années… La marque rayonne en France, on aimerait maintenant qu’elle traverse les frontières et les continents », avancent les créateurs, qui plus que réitérer un coup d’éclat tie and dye, envisagent une marque lumineuse sur la durée. En cela, ils se félicitent d’un projet à venir avec StockX, dont on vous dira bientôt davantage. Bien que vous vous en douterez après la lecture de ces lignes, ça sera sport et coloré. C’est Marseille bébé !