Mettons les sneakers de cĂŽtĂ© et parlons bijoux… Ice Cold: A Hip-Hop Jewelry History est le second livre de l’auteure Vikki Tobak, aux Ă©ditions TASCHEN, qui retrace l’histoire du bling en tant que âpierre angulaire de la culture Hip-Hopâ, des 1980s Ă nos jours. De Slick Rick aux Migos, en passant par Jay-Z, Cardi B, Tyler, The Creator ou encore City Girls, toutes les figures majeures de l’industrie sont mises Ă l’honneur dans ce recueil de qualitĂ©, Ă travers des images et des tĂ©moignages inĂ©dits. Sans oublier le travail rayonnant des joailliers comme Avianne & Co. et les clichĂ©s âdes plus grands photographes contemporainsâ dont Janette Beckman, Mike Miller, Sophie Bramly, Armen Djerrahian et j’en passe !
J’ai rĂ©cemment eu l’opportunitĂ© de m’entretenir avec Vikki Tobak Ă La Place (encore merci pour l’accueil !) et c’est avec grand plaisir que je te partage cet Ă©change mĂ©morable avec lâauteure qui sâautodĂ©finit en 3 mots : Hip-Hop, Hardwork et⊠french fries ! Mention spĂ©ciale Ă notre last minute guest, le photographe Mike Miller, qui est notamment Ă lâorigine de la cover de lâouvrage.
Herbby : Quel est votre premier souvenir de Hip-Hop ?
Vikki Tobak : J’ai grandi Ă DĂ©troit et mon premier souvenir de Hip-Hop est quand j’ai entendu pour la premiĂšre fois l’album de Public Enemy It Takes a Nation of Millions to Hold Us Back en 1988, sur une cassette audio. Un ami skateur l’Ă©coutait et j’ai hallucinĂ© !
Mike Miller : Je suis de Los Angeles et je me souviens que j’Ă©coutais la station radio KDAY 1580-AM et chaque Samedi soir, il y avait l’Ă©mission Hip-Hop âMac Attackâ de Greg Mack. Je lâenregistrais sur des cassettes audio pour pouvoir la rĂ©Ă©couter en boucle. JâĂ©tais aussi trĂšs intĂ©ressĂ© par le graffiti et lâunivers du skate Ă lâĂ©poque.
H : Comment ĂȘtes-vous tombĂ©s amoureux de cette culture multidisciplinaire ?
VT : Ă DĂ©troit, on s’intĂ©resse beaucoup au Hip-Hop new-yorkais et je suis tellement une personne visuelle que je suis tombĂ©e amoureuse de cette culture grĂące au film de 1984, Beat Street. On y retrouve tous les Ă©lĂ©ments du Hip-Hop et j’adore la danse, avec des collectifs comme le Rock Steady Crew et les New York City Breakers. Le New York de l’Ă©poque me faisait fantasmer et le film met bien en lumiĂšre le cĂŽtĂ© romantique de la ville. C’est clairement Beat Street qui m’a fait apprĂ©cier l’ensemble des composantes du Hip-Hop.
MM : Jâai dĂ©butĂ© mon aventure musicale avec le rockânâroll et des artistes comme Led Zeppelin, Pink Floyd, Jimi Hendrix⊠Puis, jâai enchaĂźnĂ© avec le punk rock, le funk, la soul et jâai vu le Hip-Hop naĂźtre, comme beaucoup. GrĂące Ă KDAY 1580-AM, on avait accĂšs au funk, Ă la soul et au Hip-Hop. Je me suis ensuite dirigĂ© vers le DJing et je mixais notamment avec DJ Muggs de Cypress Hill, avant que le groupe soit crĂ©Ă©. Jâai dâailleurs travaillĂ© avec eux sur la direction artistique du groupe.
H : Vikki, parle-nous un peu de ton parcours professionnel en tant quâancienne Culture Editor et actuelle Auteure et Curator.
VT : DĂ©troit est une ville musicale, une ville populaire et une ville marquĂ©e par la Black Culture. Je suis tombĂ©e amoureuse de la photographie en allant dans une petite librairie Ă proximitĂ© de la maison oĂč jâai grandi, qui avait des livres sur la photo. Au mĂȘme moment, j’ai commencĂ© Ă m’intĂ©resser Ă la musique et Ă la fin des 80s, le Hip-Hop Ă©tait en pleine Ă©bullition. Du coup, j’ai dĂ©cidĂ© de m’installer Ă New York aprĂšs le lycĂ©e pour faire partie du mouvement.
Une fois sur place, j’ai obtenu un job chez un petit label de musique nommĂ© Payday Records qui manageait notamment Gang Starr, Jay-Z ou encore Mos Def. Je bossais aussi dans des clubs qui ont marquĂ© l’histoire du Hip-Hop, avec une forte culture DJ, des freestyles d’antiquitĂ©, l’arrivĂ©e de Diddy dans le monde des soirĂ©es… Ă l’Ă©poque, on Ă©tait une petite communautĂ© accessible et chacun crĂ©ait son propre chemin. C’est ainsi qu’est arrivĂ©e la premiĂšre vague des marques de streetwear : Karl Kani, Mecca, FUBU… Idem pour les magazines et j’ai commencĂ© Ă Ă©crire pour plusieurs dâentre eux. D’ailleurs, j’Ă©tais venue Ă Paris et Ă Marseille avec Gang Starr durant une de leurs tournĂ©es. J’avais mĂȘme rencontrĂ© MC Solaar !
Toute cette immersion dans lâavĂšnement du Hip-Hop a fait que je me suis prise de passion pour l’Ă©criture et la curation.
H : Jâai dĂ©couvert ton travail Ă Sole DXB 2018 Ă DubaĂŻ, avec ton premier livre Contact High: A Visual History of Hip-Hop. Que retiens-tu de lâexpĂ©rience globale autour de ce premier ouvrage, de sa crĂ©ation Ă sa sortie, en passant par sa promotion ?
VT : Le Hip-Hop cĂ©lĂšbrera ses 50 ans lâannĂ©e prochaine. Câest aujourdâhui une culture globale, puissante et influente qui doit ĂȘtre documentĂ©e et transmise aux gĂ©nĂ©rations futures. Contact High mâa permis de fĂ©dĂ©rer et rassembler lâensemble des acteurs et actrices du mouvement autour dâun mĂȘme projet, malgrĂ© leur esprit de compĂ©tition : les artistes, les photographes, les journalistes, les auteurs⊠Ce premier livre mâa confirmĂ© lâimportance de perpĂ©tuer lâhĂ©ritage du Hip-Hop Ă travers la littĂ©rature et la photographie, tout en cĂ©lĂ©brant ses protagonistes.
H : Tu as récemment sorti ton second livre Ice Cold: A Hip-Hop Jewelry History aux éditions TASCHEN. Comment as-tu abordé ce deuxiÚme ouvrage ? Que peut-on en attendre ?
VT : Ice Cold a Ă©galement pour but de cĂ©lĂ©brer un Ă©lĂ©ment prĂ©cis de la culture Hip-Hop, Ă savoir les bijoux, en racontant leur histoire Ă travers celle du mouvement. Je savais dâemblĂ©e quâil y aurait beaucoup de textes pour bien entrer en profondeur et quâil faudrait prĂ©senter et faire intervenir certaines figures comme Slick Rick, Eric B. & Rakim⊠ainsi que les gars de la rue qui ont inspirĂ© et continuent d’inspirer les artistes. Il Ă©tait Ă©galement important de montrer lâĂ©volution de cette âsous-cultureâ des 80s Ă nos jours, en prĂ©sentant les grandes tendances : les diamants de Biggie et Jay-Z, les chaĂźnes des labels de musique, les pierres colorĂ©es de Pharrell, la nouvelle vague dâAtlanta encore plus ostentatoire et shiny⊠Last but not least, je tenais Ă©galement Ă proposer un ouvrage avec des visuels de qualitĂ© et TASCHEN est reconnu pour son haut niveau dâexigence en termes de photographies.
H : Je ne veux pas que tu spoiles les lecteurs sur le contenu du livre donc faisons un focus sur la cover que je trouve lourde et impactante. Parlez-nous de la rĂ©alisation de cette oeuvre dâintroduction âtalismanique et transformatriceâ.
VT : Câest une histoire assez drĂŽle⊠(rires) Au dĂ©part, on voulait utiliser une photo existante dâun artiste puis on sâest dit que ça serait trop spĂ©cifique et quâon pourrait penser quâil sâagit dâun livre sur cet artiste. AprĂšs de longues rĂ©flexions, on a pensĂ© Ă une photo de JT des City Girls prise par Mike, qui est prĂ©sente dans lâouvrage, sur laquelle on voit uniquement sa poitrine avec son nameplate âCity Girlsâ, un autre de leur label QC (Quality Control) et une troisiĂšme avec des diamants. On trouvait quâelle rĂ©sumait bien lâesprit du livre. Du coup, on sâest inspirĂ© de ce clichĂ© pour la cover, en faisant un focus uniquement sur un torse et des mains anonymes, ornĂ©s de bijoux emblĂ©matiques.
Initialement, on voulait que le modĂšle soit Mandy Aragones, la femme de Slick Rick. On a fait faire le nameplate âIce Coldâ par le fameux joaillier Joe Avianne de Avianne & Co., oĂč on a organisĂ© le shooting de la cover. On voulait faire une cover avec une femme et une seconde avec un homme. Du coup, on a demandĂ© Ă un employĂ© de la boutique dâĂȘtre le modĂšle de la version masculine parce quâil semblait ĂȘtre musclé⊠(rires) On a shootĂ© plusieurs versions avec un pendentif Mercedes, une croix ankh, un pendentif Nefertiti⊠et finalement, on a optĂ© pour un clichĂ© avec lâemployĂ©, Ă©quipĂ© de Cuban links, les nameplates âIce Coldâ et âTASCHENâ conçu par Bijules et les bagues en guise de clin dâoeil Ă Slick Rick.
MM : Lâorganisation et la rĂ©alisation du shooting de la cover sont vraiment mĂ©morables ! (rires) Jâai faillit ne pas pouvoir me rendre Ă New York en raison dâune tempĂȘte de neige⊠Jâai finalement pu faire le dĂ©placement mais je suis arrivĂ© Ă 5h30 du matin et je suis parti dans la soirĂ©e. Une fois arrivĂ© chez Avianne & Co., jâai dĂ» mâadapter aux conditions sur place car le spot dĂ©diĂ© au shooting Ă©tait Ă©triquĂ© et certains clients de la boutique âmontaient sur mon dosâ pour essayer des bijouxâŠ
Je tiens dâailleurs Ă remercier Vikki, une fois de plus, pour cette opportunitĂ© car câest un honneur pour moi dâavoir Ă©tĂ© choisi pour rĂ©aliser cette cover !
H : Je suis vraiment impressionnĂ© par lâexcellence de Ice Cold en termes de contenus historiques, de visuels et de book design. Pourquoi Ă©tait-ce important pour toi et TASCHEN de concevoir un masterpiece, et non un âsimple livreâ ?
VT : Câest vraiment une des principales raisons Ă lâorigine de la collaboration avec TASCHEN. Le livre devait ĂȘtre beau et dâexcellente qualitĂ©. Malheureusement, les maisons dâĂ©dition ont lâhabitude de ne pas prendre au sĂ©rieux et de bĂącler les ouvrages sur le Hip-Hop. Ma vision Ă©tait de concevoir et proposer un vĂ©ritable objet de collection, surtout pour un livre sur la joaillerie.
H : En tant que parisien, je suis fier de la quatriÚme de couverture du livre⊠Pourquoi as-tu choisi de conclure cet ouvrage avec cette photo mythique de Run-DMC à Paris capturée par Ricky Powell en 1987 ?
VT : En effet, il sâagit dâun clichĂ© iconique de Run-DMC shootĂ© par le regrettĂ© Ricky Powell avec qui jâai travaillĂ© durant plusieurs annĂ©es quand jâĂ©tais Culture Editor pour des magazines. Je trouve que cette photo reprĂ©sente parfaitement lâhistoire et lâĂ©volution de la culture Hip-Hop dans le monde : Run-DMC, un groupe de Rap dont les 3 membres viennent du Queens Ă New York, ornĂ©s de leurs fameuses dookie rope chains avec un pendentif adidas, leur ensemble adidas et leur adidas Shell Toes, Ă Paris, avec la Tour Eiffel au second plan ! Le Hip-Hop est devenu un mouvement global et TASCHEN a une large audience internationale donc le choix de cette photo Ă©tait logique et pertinent.
H : OĂč peut-on se procurer Ice Cold: A Hip-Hop Jewelry History ?
VT : Le livre est dispo âpartoutâ notamment sur le site et dans les boutiques TASCHEN, sur Amazon, chez Kith Paris, Fnac, CulturaâŠ
H : Pour toi, que signifie âShe Knowsâ ?
VT : Quand jâentends le titre âShe Knowsâ, je me dis quâelle est consciente de lâimportance de son travail et quâelle sait que ce quâelle accomplit va au delĂ de sa propre personne. She knows the importance of documenting and putting out these dope books!