Apparel - Janvier 31, 2022

Pour La Culture : Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours

Quand 3 références du Hip-Hop, de la Mode Urbaine et des Sneakers s’associent pour un projet, le résultat est généralement lourd de sens et de style ! C’est le cas avec le livre Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours de Tonton Gibs, Uncle Texaco et Teki Latex, sorti récemment aux éditions Larousse. Cette oeuvre littéraire retrace l’évolution de la mode issue de la rue, de NYC à Paris en passant par Tokyo ou encore Shoreditch, du début des 80s à nos jours.

Tonton Gibs, Uncle Texaco et Teki Latex, auteurs du livre Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours aux éditions Larousse – Crédit photo : @cmichalet sur Instagram

Je te laisse dévorer cet entretien exclusif avec les 3 auteurs pour en savoir plus sur le livre, leur vision du Street Style et leur amour pour la culture Hip-Hop !

Herbby : Comment est né le projet de ce livre sur le Street Style ?

Tonton Gibs : C’est un projet qui était déjà dans ma tête et suite au succès du premier Cultissimes Sneakers”, Larousse m’a proposé un second ouvrage alors c’était du pain béni pour moi !

H : Pouvez-vous nous présenter cet ouvrage ?

Tonton Gibs : C’est un livre qui met la rue sur le papier, la mode sur le papier, notre mode sur le papier. C’est le spectre de la mode urbaine des années 80 à nos jours.

Shooting Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours – Crédit photo : @cmichalet sur Instagram

H : Pourquoi avez-vous décidé d’aborder le thème de la mode urbaine précisément à partir de 1980 ?

Teki Latex : Les 80s sont une période charnière pendant laquelle l’identité du Streetwear s’est créée. Cette identité s’est construite pour répondre à un besoin d’appartenance à un certain nombre de contre-cultures, en détournant les vêtements de leurs fonctions initiales et en assemblant plusieurs inspirations venant de l’équipement de sport, du vêtement militaire, du vêtement de travail etc. Tout comme le Hip-Hop va piocher des samples dans les autres styles de musique venus avant, on va piocher chez Levi’s, Timberland, adidas ou Schott de quoi s’habiller pour traîner dans la rue ou bien signifier son appartenance à un mouvement culturel comme le Rap, le graffiti ou le skate par exemple. Un peu plus tard, des gens issus de ces contre-cultures vont créer leurs marques et reprendre ces codes, cette fois-ci en visant “consciemment” le public de la rue et je dirais que c’est à ce moment là que nait le Streetwear, le vêtement créé pour la rue. C’était intéressant de montrer cette évolution qui a eu lieu entre les 80s et les 90s.

Shooting Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours avec Seth Gueko – Crédit photo : @cmichalet sur Instagram

H : Comment définissez-vous le Street Style ? Peut-on voire doit-on l’associer à la mode ?

Teki Latex : Pour moi, le terme Street Style définit d’abord un style de photographie qui consiste à se balader dans les rues et à y capturer des images de jeunes gens stylés, pour témoigner de leur manière de s’approprier la mode, de se créer leur propre look à eux. Le point de vue, le message du Street Style est de dire “la mode est à tout le monde et n’existe pas que lors des défilés des grandes maisons ou dans les éditoriaux des magazines”. La mode est dans la rue et c’est souvent la rue qui influence la mode. Les kids qui trainaient à Harajuku, à Châtelet, à Shoreditch, à Fairfax ou à Brooklyn, des gens appartenant à des courants underground liés à l’art, à la musique, étaient souvent mieux habillés et plus créatifs que certains stylistes bossant pour des grandes maisons; et ça il fallait en parler et écrire dessus, c’est comme ça que les premières séries de photo “Street Style” ont vu le jour. Après, le terme peut aussi avoir une définition de type “tout ce qui englobe les différents styles adoptés par les gens de la rue”.

Tonton Gibs : Le style de la rue ça vient d’abord des gens de la rue. L’essence même de tout ça, c’est la débrouillardise : être stylé quand on a pas beaucoup de moyens, tout en étant en accord avec notre génération et ce que l’on vit. Et oui, on doit l’associer à la mode, surtout aujourd’hui, car la mode urbaine est devenue simplement “la mode” !

Shooting Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours – Crédit photo : @cmichalet sur Instagram

H : Selon vous, qu’est-ce qui rend le Street Style intemporel et intergénérationnel ?

Tonton Gibs : Tout simplement parce que la rue est, avant tout, le reflet de la réalité donc elle évolue ! Les gens évoluent, le style évolue et ce qui est bien avec la mode urbaine c’est qu’elle n’est pas fermée et qu’elle avance en permanence. C’est ce qu’on explique dans ce livre car toutes ces époques nous ont amené où on est aujourd’hui c’est-à-dire dans une mode urbaine qui mélange toutes les générations.

Uncle Texaco, auteur du livre Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours aux éditions Larousse – Crédit photo : @melchiorabeille sur Instagram

H : On va enchaîner avec des questions sur vous, les 3 auteurs de cette oeuvre. Uncle Texaco, tu es reconnu pour tes outfits Polo Ralph Lauren et ta collection (très) sérieuse d’Air Force 1. D’où vient ton amour pour ces pièces maîtresses de ton quotidien ?

Uncle Texaco : Cet amour vient des mes voyages à New York et de ma passion pour le Hip-Hop. J’ai eu la chance de voyager plusieurs fois par an à NYC à partir de 1990, j’ai pu étudier de près le style des Hip-Hopers et j’ai très vite remarqué que la Air Force et les pièces Ralph Lauren étaient des éléments indispensables de leur style. J’ai donc rapidement commencé à en porter, d’autant plus que chez nous c’était l’époque du Lacoste et Air Max donc ça me permettait de me différencier de la masse. Avec le temps, j’ai appris à connaître toute la culture Lo Life / Lo Heads affiliée à Ralph Lauren, les pièces et les lignes iconiques et tout le lifestyle qui va avec.

Je kiffe la AF1 pour son shape, sa polyvalence traduite par les 3 coupes (Low, Mid et High), les combinaisons infinies de couleurs et de matières qui offrent de multiples possibilités de matching et de style. Sachant que plus de 10 000 modèles différents de AF1 sont sortis depuis sa création en 1982 !

Teki Latex, auteur du livre Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours aux éditions Larousse – Crédit photo : @luciehugary sur Instagram

H : Qui dit Teki Latex dit Outerwear, vêtements de trail et de randonnée, gammes Nike ACG (All Conditions Gear) et adidas adventure, mais surtout sapeur et non collectionneur ! Parle-nous un peu de ton goût prononcé pour le style outdoor et le côté technique des pièces que tu affectionnes.

Teki Latex : Depuis petit, j’adore cette esthétique entre nature et science-fiction que l’on retrouve dans l’Outerwear. Bien évidemment, j’adorais les tenues des personnages de Star Wars, des figurines GI Joe, Mask etc mais vous vous rappelez des jouets de la gamme Rock Lords ? Des genres de robots transformables qui, au lieu de se transformer en voiture ou en avion, se transformaient bizarrement en cailloux. Cette esthétique à la fois futuriste et minérale, cyber-organique des Rock Lords m’obsédait quand j’étais gamin.

Puis il y a eu le Rap et le style si “rentre-dedans” et charismatique des rappeurs, notamment le Wu-Tang, Boot Camp Clik mais aussi tous les “backpackers” du mouvement indé aux US vers 1998-2002, qui est l’époque à laquelle s’est lancé mon groupe TTC. On écoutait beaucoup d’artistes comme Company Flow, Cage, MF Doom qui avaient ce style très New Yorkais, graffiti, un peu sac à dos, vêtements de pluie techniques, ça m’a marqué. ACG finalement, c’est le côté expérimental de Nike, et on peut faire un parallèle avec le Rap que j’écoutais, qui devenait de plus en plus expérimental. Mes goûts vestimentaires et mes goûts musicaux commençaient à avoir ça en commun : je m’intéressais aux choses qui étaient culturellement en marge.

Puis j’ai commencé à aller régulièrement au Japon pour la musique et là bas, vu qu’ils bossent sans arrêt avec des horaires pas possibles, certains habitants de Tokyo ont cultivé comme une tradition où chaque week-end, ils partent en randonnée ou en camping pour se ressourcer auprès de la nature. Puisque les Japonais sont un peuple de collectionneurs obsessionnels extrêmement pointus, ça a donné naissance à toute une culture outerwear très développée au point qu’aujourd’hui, tu peux t’acheter une veste imperméable de la marque japonaise Snow Peak, mais tu peux aussi te prendre le réchaud à gaz, la gourde et la chaise de camping Snow Peak qui vont avec. J’étais totalement fasciné de découvrir l’ampleur et la diversité de cette culture au Japon.

En assemblant toutes ces influences au fil du temps, je me suis construit mon propre style !

Tonton Gibs, auteur du livre Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours aux éditions Larousse – Crédit photo : @cmichalet sur Instagram

H : Tonton Gibs, le nom de ta chaîne YouTube en dit long sur ta passion pour les Sneakers et la Mode Urbaine. Comment as-tu abordé ce nouveau projet littéraire après le succès de ton premier livre “Cultissimes Sneakers” aux éditions Larousse ?

Tonton Gibs : Je l’ai abordé de la même manière que le premier, d’abord avec passion ! Pour moi, ce sont des thèmes qui coulent de source. C’est juste le sens inverse du premier. Pour te faire une comparaison imagée, on peut dire que les vêtements sont la carrosserie d’une voiture et les sneakers sont les jantes : soit tu commences à t’habiller avec les baskets et tu choisis tes vêtements, soit tu choisis tes vêtements et après tu choisis tes baskets ! (rires)

Shooting Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours – Crédit photo : @cmichalet sur Instagram

H : Comment s’est faîte la sélection des 3 styles mis en avant sur la cover du bouquin ?

Tonton Gibs : J’ai voulu une couverture à l’image du livre donc on y retrouve le style “Caillera Hip-Hop des 90s”, le style Polo Ralph Lauren, le style Mode/Fashion et la suite sur la quatrième de couverture.

Shooting Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours – Crédit photo : @cmichalet sur Instagram

H : Quel est votre Top 3 des pièces phares des 80s / des 90s / du début des 2000s ?

Tonton Gibs : Pour les 80s, je dirais le survêtement de tennis. Pour les 90s et 2000s, le baggy et la AF1 “White/White” ou Timberland Boot. Après, il y a eu une longue période de transition avec le jean slim etc et de nos jours, on arrive dans un style qui mixe à peu près tout mais c’est plus équilibré. C’est plus mode.

Uncle Texaco : Dans les 80s, le survêtement adidas (en satin ou en peau de pêche) dominait la rue, de New York aux banlieues parisiennes, des stars du Rap comme Run-DMC aux petits lascars de quartier, en passant par les breakers du Rocksteady Crew. Tout le monde voulait en porter, avec des Superstar ou des Stan Smith.

Run-DMC à Paris, 1987 – Crédit : Ricky Powell

Pour les 90s, le blouson Snow Beach qui est le premier blouson dédié à la pratique du snowboard, sorti en 1993 et designé par Ralph Lauren. Il faisait partie de toute une ligne comprenant un pantalon, un hoodie, une doudoune sans manche… popularisée dans la rue par les Lo Life. Il apparaît sur le dos de Raekwon dans le clip du Wu-Tang Clan, Can It Be All So Simple (1993) et devient instantanément iconique. Avant sa réédition d’il y a 4 ans, cette pièce vintage se revendait autour de 8 000 dollars !

Pour les 2000s, le fameux cuir Avirex porté en double ou triple XL par tous les rappeurs New Yorkais, en faisant un must-have pour tous les fans de Hip-Hop.

Teki Latex : Pour les 80s, le jean Levi’s Silvertab sorti en 1988. La première paire de jeans taillée pour avoir une coupe baggy, dont j’ai entendu parler. Tu pouvais choisir de porter des jeans trop larges avec une coupe droite qui allaient tomber bizarrement, mais les Silvertab étaient faits pour bien tomber sur tes chaussures et te donner un look stylé. 

Pour les 90s, la veste The North Face Steep Tech Apogée, ultra technique, pleine de poches avec une ouverture asymétrique. C’est l’ancêtre du Techwear, l’un des figurants en porte une dans le clip de Method Man (1993) du Wu Tang. C’est une veste conçue pour le ski extrême, sortie dans les 90s, qui paraît toujours futuriste aujourd’hui avec son look robotique.

Pour les 2000s, le manteau multi-équipes de la NBA avec tous les logos, porté dans les clips de Dipset. Cette veste multi-logos, c’est l’extravagance même. C’est genre : “Quelle équipe tu soutiens ? On s’en fout ! Mets toutes les équipes sur la veste ! Et alors, y’a quoi maintenant ?” Ça te faisait juste ressembler à un panneau publicitaire géant pour la magie du basketball en tant que sport. Et c’est le genre de truc auquel t’avais envie de ressembler au début des 2000s. Ma réponse aurait également pu être “tout le merch de Dipset”.

H : Quel est votre Top 3 sneakers des 80s / des 90s / du début des 2000s ?

Tonton Gibs : Pour les 80s, je dirais la adidas Superstar, même si c’est une paire qui a été dessinée bien avant cette époque. Run-DMC a changé le Game avec cette paire  et leur fameux contrat d’1 million de dollars avec adidas ! C’est grâce à elle que les équipementiers sportifs ont arrêté de sponsoriser uniquement des athlètes. Les marques se sont rendues compte qu’elles pouvaient faire de l’argent autrement, en habillant les sportifs et les gens de la rue. Le Sportswear est devenu un Lifestyle.

Pour les 90s, je vais choisir un modèle de 1982 : la AF1 car c’est la paire du Hip-Hop par excellence. Et pour les 2000s, j’opte pour la Nike Air Max Plus aka Requin aka TN, de 1998. Elle représente le changement notamment au niveau des bulles d’air. Elle nous a fait entrer dans une nouvelle ère avec une nouvelle esthétique.

Shooting Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours – Crédit photo : @cmichalet sur Instagram

Uncle Texaco : La adidas Stan Smith a takeover les 80s, avant d’être gentrifiée par les bobo pendant les 90s et 2000s. Avant l’arrivée des Air Max, elle était la chaussure iconique des quartiers, portée avec un survêtement ou un jean.

Pour les 90s, je dirais la Nike Air Terra Albis 1 sortie en 98, et sa soeur la Air Terra Sertig, de la famille Zoom Air, cousine de la ligne ACG. Leur shape de running, leurs matériaux techniques, leurs semelles de trail et leur colorway représentent l’esprit des 90s.

Pour les 2000s, j’opte pour la série de AF1 “Beef and Broccoli” et “Mac and Cheese”, sortie en 2007 pour célébrer les 25 ans du modèle, en collaboration avec Bobbito Garcia aka Kool Bob Love (animateur radio mythique / DJ / sneakers “connoisseur”/ réalisateur). Ces 2 paires sont directement inspirées des Field Boots de Timberland, à l’image des rues de NYC. Leur dénomination un peu spéciale est en fait leur “street name”. Pour moi, ces paires représentent l’essence du Hip-Hop New Yorkais !

Teki Latex : Pour les 80s, n’importe quelle paire de British Knights. Elles étaient moins chères que les Nike mais quand même assez cool pour être considérées comme des chaussures Hip-Hop.

Pour les 90s, ma réponse est assez cliché pour le fan d’Outerwear que je suis mais je suis obligé de parler de la Nike Air Mowabb. Un modèle qui représente le top du design et de la versatilité d’une chaussure outdoor multi-sports, pour moi. Elle ne vieillira jamais !

Pour les 2000s, la Nike ACG Dri Goat Gore Tex. Un modèle qui symbolise bien l’esthétique un peu biker du futur d’ACG dans les 2000s, avec plein de technologies différentes sur une même chaussure. Pendant très longtemps, je pense que ce type de chaussures à été boudé mais aujourd’hui, ce style un peu cyber-PlayStation très industriel revient à la mode.

H : Comment peut-on se procurer ce livre de collection Street Style, la mode urbaine de 1980 à nos jours ?

Tonton Gibs : On a la chance qu’il soit distribué par les éditions Larousse donc vous pouvez le retrouver à peu près partout, aussi bien dans les grands magasins type Fnac, que chez le libraire du coin de la rue, et bien sûr, sur Internet chez Amazon, Fnac, Cultura etc !